Ma chère sœur,

J’ai longtemps hésité à vous écrire cette lettre, ne sachant comment vous réagiriez, ni ce que j’allais réellement vous écrire… J’ignore même si je dois employer le respectueux vouvoiement pour Lady Lannister ou l’affectueux tutoiement pour ma benjamine. Nous sommes sœurs, toutes deux nées au milieu des fleurs de Hautjardin et entourées d’une famille aimante, et pourtant, j’ai la saisissante impression de m’adresser à une étrangère qui ne me porte pas dans son cœur. Et cette pensée me navre chaque jour un peu plus. Aussi me pardonnerez-vous mon audace, mais mon cœur de sœur dicte ici ma conduite. J’espère que vous lirez ces quelques mots avec bienveillance et m’honorerez d’une réponse.

Voilà bien longtemps depuis que nous nous sommes vues, vous devez avoir bien grandi et ressembler à la somptueuse dame de haut rang que vous étiez vouée à devenir. Mais je m’empêcherai de vous parler comme à une petite fille, vous voilà mère et maîtresse d’une grande maison. Et pourtant… Et pourtant, lorsque mes pensées m’entraînent vers le passé et notre maison d’enfance, je vous revois, jeune enfant et insouciante, vos beaux cheveux blonds valsant dans votre dos tandis que vous dansiez sur les parterres fleuris. Vous respiriez la joie de vivre et la liberté, j’espère que cela n’a pas changé, malgré les épreuves dans lesquelles nous plongent les circonstances. Circonstances qui, vous vous en doutez, me chagrinent également et m’inquiètent. Je suis sûre que nous pouvons trouver ici un terrain d’entente, nous sommes toutes deux femmes de seigneurs et tremblons pour leurs vies. J’espère d’ailleurs que votre nouvelle vie vous plaît et vous apporte tout le bonheur que vous avez toujours souhaité, je ne me souviens que trop de nos querelles incessantes au sujet du mariage... Et pourtant votre heure est venue, ne vous l’avais-je pas prédit ? La nouvelle de la naissance de mon neveu me fit chaud au cœur et il doit avoir bien grandi lui aussi. Quel âge a-t-il à présent ? Trois ans ? Peut-être quatre ? Soyez indulgente sur mon ignorance, les corbeaux écrits de votre main venant de Castral Roc sont une denrée rare que je n’ai que trop peu possédée… Je gage cependant qu’il est toujours aussi beau que ce que vous m’aviez écrit alors, sinon davantage encore.

Ma sœur, voyez ma lettre comme une requête, une main tendue que j’espère vous saisirez. Le temps a passé et nous avons toutes deux bien changé. Je suis consciente que le climat hostile actuel entre nos deux terres n’est pas pour simplifier les choses, mais peut-être est-ce en temps de guerre que les familles ressentent le besoin de faire la paix ?... Le destin a voulu faire de nous des ennemies, à nous de le contrer et de lui prouver que le lien fraternel qui nous uni est plus solide que lui. Vous êtes devenue Lannister et je suis devenue Arryn, mais n’oubliez pas qu’avant tout, nous sommes Tyrell, et que bien avant d’avoir conscience des rôles que nous allions devoir assumer, je vous appelais sœur et m’émerveillais devant votre beauté grandissante et votre espièglerie.

Que les Sept vous protègent, vous et votre fils,
Roslinn Arryn.